dimanche 6 décembre 2015

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mardi 1 décembre 2015

Prescription de médicaments : il y a des règles !


Un récent fait divers dans la presse a interpellé grand nombre d’entre nous quant aux modalités de prescription des médicaments de substitution, de type Subutex, notamment.

Lundi 30 novembre 2015, le Dr F. est cité à comparaître devant le Tribunal Correctionnel de Sarreguemines pour escroquerie. Il lui est reproché d’avoir floué l’Assurance Maladie en prescrivant pas moins de 25.000 boite de Subutex, au profit de 177 patients, toxico-dépendants, sur une période de deux ans.

Interdit d’exercice depuis 2013, par la Chambre Disciplinaire Nationale de l’Ordre des Médecins, le Dr F. affirme qu’il n’a pas organisé de trafic de Subutex, et s’est contenté de répondre à la demande de patients particuliers, dont aucun médecin ne souhaitait s’occuper par ailleurs.

Il reste que la prescription de certains médicaments, dont le Subutex, est très encadrée.

Pour mémoire, la prescription de médicaments est, de manière générale, renouvelable pour une période maximale de un mois (ou de trois mois si le conditionnement est supérieur à un mois) dans la limite de 12 mois de traitement. ( cf article R5123-2 du code de la santé publique)

L’ordonnance doit comporter la durée du traitement ainsi que la possibilité, le cas échéant, de voir renouveler une fois la délivrance des médicaments sans nouvelle ordonnance.

Voici pour le cas général.

Il existe, également, plusieurs autres hypothèses qui, chacune, emportent des modalités de prescription particulières.

Le médecin peut estimer que le médicament est non substituable et que le pharmacien ne peut proposer le générique au patient, mais doit délivrer impérativement la spécialité prescrite. En pareil cas, le médecin doit mentionner en toutes lettres « non substituable » devant sa prescription. Une abréviation n’est pas suffisante. (cf article L5125-23 du code de la santé publique)

S’agissant des médicaments prescrits en dehors des indications thérapeutiques remboursables, il appartient au médecin de faire figurer de manière expresse sur l’ordonnance le caractère non remboursable.

Les mentions « NR », « hors indications remboursables » ou encore « non remboursable » sont impératives. (Cf articles L162-4 et R162-1-7 du code de la sécurité sociale).

Pour les médicaments soumis à prescription restreinte, il existe plusieurs possibilités.

La première concerne les médicaments classés en réserve hospitalière, c’est à dire qu’ils ne peuvent être prescrits en ville, et leur administration ne peut être faite qu’au cours de l’hospitalisation du patient. (cf articles R5121-82 et 83 du code de la santé publique)

La deuxième vise les médicaments à prescription hospitalière, qui ne peuvent être prescrits en ville mais peuvent être délivrés en officines de ville. (cf articles R5121-84 à 86 du code de la santé publique)

La troisième concerne les médicaments à prescription initiale hospitalière, qui peuvent faire l’objet d’un renouvellement en ville, en renouvellement d’une ordonnance hospitalière. (cf articles R5121-87 à 89 du code de la santé publique)

La quatrième vise les médicaments à prescription réservée à des médecins spécialistes. Le renouvellement de l’ordonnance peut, cependant, être faite par tout médecin. (cf articles R5121-90 à 92 du code de la santé publique)
                                                                                    
La cinquième concerne les médicaments nécessitant une surveillance particulière qui ne peuvent être prescrits que si certains examens sont réalisés.

Les médicaments soumis à accord préalable du service médical de l’Assurance Maladie nécessitent que ce dernier soit consulté avant instauration du traitement. Cette démarche peut se faire en ligne.

En cas de refus de prise en charge, le médecin devra apposer la mention non remboursable sur l’ordonnance. En effet, ce n’est pas le principe du traitement qui est refusé mais bien son remboursement par l’assurance maladie.

Pour les médicaments d’exception, ces derniers ne peuvent être pris en charge que s’ils sont prescrits dans le respect des indications thérapeutiques prévues par la fiche d’information thérapeutique.

Enfin, pour la prescription de stupéfiants, une ordonnance sécurisée doit être utilisée, avec l’indication en toutes lettres de la quantité prescrite, des unités par prise.

Le pharmacien délivre l’intégralité du traitement si l’ordonnance est présentée dans les 3 jours de sa rédaction. Au delà, seul le traitement correspondant à la durée restante sera remis au patient.

Une nouvelle prescription ne peut être faite ni exécutée pendant la période déjà couverte pendant la précédente ordonnance.
S’agissant des durées de prescription, certains médicaments ne peuvent être prescrits que pour une durée maximale.

Ainsi, pour l’anti-acnéique, Roacutane, la durée est de 4 semaines au maximum, avec un renouvellement sous condition de suivi biologique strict.

Pour les stupéfiants, la durée maximale est de 28 jours, et pour les hypnotiques, la durée est portée à 4 semaines.

Enfin, pour les anxiolytiques, la durée maximale est de 12 semaines.

Et la délivrance de certains médicaments doit être fractionnée, par période de 7 jours, ou de 14 jours sauf à ce que le médecin juge nécessaire une délivrance en une seule fois, mention qu’il portera, alors, en toutes lettres sur l’ordonnance. (cf article R5132-3° du code de la santé publique)

Aussi, au regard de ce qui est reproché au Dr F, on ne peut que comprendre les poursuites dont il fait l’objet (compte tenu du tuilage d’ordonnance, notamment), même si, et comme il le prétend, lui même, le trafic de stupéfiant ne peut être à proprement parler retenu ni démontré.

Peut-être a t-il voulu rendre service, ou s’est-il laissé abuser par une patientièle très particulière ?

Hier soir, trois ans de prison ont été requis par le Procureur de la République à l’encontre du Dr F.

A suivre, donc !



vendredi 27 novembre 2015

Contestation des PV en ligne : c'est désormais possible sur le site www.antai.fr

La loi sur la modernisation du droit a introduit la possibilité de contester en ligne les contraventions routières. La publication au Journal Officiel de l’arrêté mettant en œuvre cette mesure, le 21 novembre dernier est, enfin, intervenue.

Jusqu’à présent, la seule possibilité de contester un PV était d’adresser dans les 45 jours un formulaire papier par lettre recommandée aux services de l'officier du ministère public.

C'est à la suite d'un amendement du gouvernement déposé à la fin de l'année 2014 que les parlementaires ont ouvert une seconde voie : la possibilité de contester en ligne ces mêmes contraventions.

L’arrêté chargé d’en préciser les modalités a enfin été pris.

Il vient préciser que la contestation en ligne est ouverte au titulaire de la carte grise, au locataire, à l’acquéreur, mais également au représentant légal d’une personne morale. 

Pour ce faire, il suffit de se rendre sur le site www.antai.fr, (site de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions) pour y renseigner un formulaire en ligne.

Au terme de cet arrêté, plusieurs motifs autorisent une contestation en ligne : le véhicule mis en cause a été, vendu, cédé, volé, détruit ou a fait l'objet d'une usurpation de plaques d'immatriculation. Egalement, un autre conducteur était présumé utiliser le véhicule au moment de l'infraction. Enfin, une catégorie "ouverte" permet de justifier d’un « autre motif » quelconque, par exemple pour contester la réalité de l’infraction.

Des documents supplémentaires devront être adressés toujours de façon dématérialisée. Ils varieront selon la personne émettrice : copie de dépôt de plainte pour vol, destruction ou usurpation de plaque, copie de déclaration de destruction du véhicule, etc. Et pour le conducteur qui justifierait d’un « autre motif », il faudra surtout adresser un duplicata de la, hélas, toujours nécessaire consignation préalable, laquelle est d’un montant égal à l’amende réclamée et n’entraîne pas de perte de point à ce stade. Enfin, pour celui qui aurait prêté son véhicule, le titulaire de la carte grise devra préciser « l'identité, l'adresse, ainsi que la référence du permis de conduire de la personne qui était présumée conduire le véhicule lorsque la contravention a été constatée. »

La demande validée, un accusé d'enregistrement est proposé pour téléchargement ou impression.

Les suites seront classiques : elles dépendront du choix de l’officier du ministère public (principalement, classement sans suite ou poursuite devant le juge)

Aucun frais de dossier n’est réclamé aux contestataires. C’était pourtant l’une des propositions de Vincent Delahaye. Dans un rapport de 2013, ce sénateur préconisait une participation financière « de l’ordre du prix d’une LRAR de manière à couvrir les développements informatiques nécessaires à cette évolution. »

jeudi 15 janvier 2015

Procédure d'appel avec représentation obligatoire : tous à vos gommettes !

Depuis le 1er janvier 2015, dans les affaires avec représentation obligatoire, la taxe acquittée, par la partie appelante et intimée, est portée à 225 €.

Dans les affaires dans lesquelles un appel a été interjeté antérieurement au 1er janvier 2015, le montant de la taxe qui doit être acquittée, par la partie appelante et intimée est de 150 €.


Il convient en conséquence d’être attentif à la date de la déclaration d’appel qui détermine le montant de la taxe :

→ La déclaration d’appel a été régularisée avant le 1er janvier 2015 : le timbre est de 150 €.
De même sur un appel interjeté avant le 1er janvier 2015, dans le courant de l’année 2015, la partie intimée ne sera redevable que d’une taxe de 150 €.

→ Le timbre à 150 € n’est plus disponible : il faudra acheter et joindre deux timbres à 75 €.



Pour votre information, l’article 97  de la loi no 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 dispose :

« I. - L'article 1635 bis P du code général des impôts est ainsi modifié :
1° A la première phrase du premier alinéa, le montant : « 150 € » est remplacé par le montant : « 225 € » ;
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce droit est perçu jusqu'au 31 décembre 2026. »
II. - Le II de l'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 est abrogé.
III. - Le I du présent article s'applique aux appels interjetés à compter du 1er janvier 2015. »

mardi 6 janvier 2015

Durée de protection permettant de calculer le montant de l'indemnité pour violation du statut protecteur du médecin du travail licencié sans autorisation administrative : La Cour de Cassation donne son avis, le 15 décembre 2014

Avis n° 15013 du 15 décembre 2014 (Demande 1470009) - ECLI:FR:CCASS:2014:AV15013

"LA COUR DE CASSATION,

Vu les articles L.441-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;

Vu la demande d’avis formulée le 18 septembre 2014 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, reçue le 26 septembre 2014, dans une instance opposant M. Jean-Marie X... à la SAS Vallourec Tubes France et ainsi libellée :

« Quelle doit être la durée de protection permettant de calculer le montant de l’indemnité pour violation du statut protecteur du médecin du travail licencié sans autorisation administrative ? »

Vu les observations écrites déposées par la SCP Célice, Blancpain et Soltner pour la SAS Vallourec Tubes France ;

Sur le rapport de Mme Sabotier, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Courcol-Bouchard, avocat général entendu en ses conclusions orales ;

EST D’AVIS QUE :

Le médecin du travail licencié sans autorisation administrative et qui ne demande pas sa réintégration, a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et la fin de la période de protection, dans la limite de trente mois, durée de la protection minimale légale accordée aux représentants du personnel."

Note explicative de la Cour de Cassation :

Par cette demande d’avis, la Cour de cassation était invitée à se prononcer sur “la durée de protection permettant de calculer le montant de l’indemnité pour violation du statut protecteur du médecin du travail licencié sans autorisation administrative”. Fidèle au raisonnement suivi par la chambre sociale depuis l’arrêt Abisse, qui concernait un délégué du personnel, élu à l’époque pour un mandat de deux ans (cf Cass. Soc., 27 mai 1970, pourvoi n°69-40.070, Bull. 1970, V, n°362), la Cour de cassation commence par rappeler que “le médecin du travail licencié sans autorisation administrative et qui ne demande pas sa réintégration, a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et la fin de la période de protection”.

La protection du médecin du travail est liée à son contrat de travail. Aussi, la fin de la période de protection peut tout à la fois être le terme de son contrat de travail à durée déterminée, ou dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, la date à laquelle ce médecin peut faire valoir ses droits à la retraite.

En fonction de la date à laquelle intervient le licenciement dans la carrière du médecin du travail, celui-ci pourrait prétendre à une indemnité équivalente à de nombreuses années de salaires. Aussi, convenait-il - au demeurant de la même manière que pour tous les autres salariés protégés - d’envisager une limite à cette durée d’indemnisation.

La Cour a fait le choix de la fixer à trente mois, durée de la protection minimale légale accordée aux représentants du personnel.

La chambre sociale a en effet appliqué cette limitation aux

-conseillers prud’hommes pourtant élus pour une durée de cinq années (cf Cass. soc., 28 mars 2000, pourvoi n°97-44.373, Bull. 2000, V, n°134 ; Cass. soc., 2 mai 2001, pourvoi n°98-46.319, Bull. 2001, V, n°147 ; Cass. soc., 30 novembre 2004, pourvoi n°01-44.739, Bull.2004, n°309),

-aux administrateurs d’un organisme du régime général de sécurité sociale (Cass. soc., 22 juin 2004, pourvoi n°01-41.780, Bull. 2004, V, n°179),

-ainsi qu’aux administrateurs de mutuelle (Cass. Soc., 1er juin 2010, pourvoi n°09-41.507, Bull. 2010, V, n°123).

La portée de cette dernière décision a dépassé le cas des seuls administrateurs de mutuelle. En effet, la chambre sociale était saisie d’un moyen tiré de l’entrée en vigueur de la loi n°2005-882 du 2 août 2005, qui a porté la durée du mandat des représentants du personnel à quatre ans, ce dont le moyen déduisait que l’indemnisation maximale devait désormais être équivalente à cinquante quatre mois de salaire.

La chambre sociale a pourtant maintenu à trente mois de salaire le plafond de l’indemnisation due en cas de violation du statut protecteur, en se fondant sur la possibilité de réduire à deux ans, par accord collectif, la durée des mandats. Elle en a conclu que la durée minimale légale de protection des représentants du personnels était toujours de trente mois.

lundi 5 janvier 2015

LFSS 2015 du 22 décembre 2014 : bonnes et moins bonnes nouvelles....

Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, le 1er décembre dernier, l’Assemblée nationale a, notamment, adopté en dernière lecture, deux articles de loi qui méritent l’attention.

Ces articles ont été repris par la loi n°2014-1554 du 22 décembre 2014.

Tout d'abord, le législateur a adopté un article 27 modifiant l’article L243-6 du code de la sécurité sociale relatif à la prescription triennale s’attachant aux cotisations AT-MP indûment versées par les employeurs.

Cet article prévoit que « Lorsque l’obligation de remboursement des cotisations naît d’une décision rectificative d’une caisse d’assurance retraite et de la santé au travail en matière de taux de cotisation d’accidents du travail et maladies professionnelles, la demande de remboursement des cotisations peut porter sur l’ensemble de la période au titre de laquelle les taux sont rectifiés. »

Le texte sera applicable aux recours formés devant les caisses primaires et CARSAT à compter du 1er janvier 2015.

Il doit être rapproché de l’arrêt prononcé le 10 juillet 2014 par la Cour de Cassation au terme duquel il était jugé que «  lorsque l'indu résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l'action en restitution des cotisations en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision. » (cf Cass Civ 2ème, pourvoi n°12-25-985)



De moins bonne augure, le législateur a adopté l’article 70 qui vient réformer la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 « relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé », loi dite Kouchner.

La grande innovation de ce texte de loi était, il convient de le rappeler, outre le droit à l’accès au dossier médical par le patient, l’indemnisation au titre de la solidarité nationale des conséquences de certains accidents médicaux non fautifs, ou aléas thérapeutiques, prévue par l’article L1142-1 du code de la santé publique :

« Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci. »

Auparavant, seule la démonstration de l’existence d’une faute commise par le professionnel de santé permettait la mise en cause de sa responsabilité civile professionnelle par le patient. (Cf Cass Civ 1ère, 8 novembre 2000, pourvoi n°99-11.735)

Seuls les actes de prévention, de diagnostic ou de soins étaient susceptibles de donner lieu à indemnisation dans les conditions susvisées en l’absence de faute du professionnel de santé.

A titre d’exemple, les conséquences d’un accouchement par voie basse sans manoeuvre obstétricale, et exclusif de toute faute du corps médical, était considéré comme un acte naturel et non un acte de soins, et ainsi exclu du dispositif.

En revanche, la chirurgie esthétique pure peut ouvrir droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale, un arrêt récent du 5 février 2014 soulignant que « les actes de chirurgie esthétique, quand ils sont réalisés dans les conditions prévues aux articles L. 6322 1 et L. 6322 2 du code de la santé publique, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens de l’article L. 1142-1 du même code ». (cf Cass Civ 1ère, 5 février 2014, pourvoi n°12-29.140)

La solution ne surprit guère puisque la doctrine estimait que « lorsqu’il s’avérera que la conséquence grave d’un acte de chirurgie esthétique est constitutive d’un accident médical, l’indemnisation par la solidarité nationale (ONIAM) sera possible car la notion d’accident médical visé par l’article L.1142-22 du code de la santé publique n’exclut pas la médecine ou la chirurgie esthétique ». («centenaire jurisprudentiel de la chirurgie esthétique : permanences de fond, dissonances factuelles et prospective », P. Sargos, Dalloz 2012 p. 2903)

Cela étant, il convient pour prétendre à une indemnisation que le dommage atteigne un seuil de gravité fixé par l’article D1142-1 du code de la santé publique :

« Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %.

Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %.

A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :

1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ;

2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d’existence."

Mais voilà qu’après près de 12 ans de mise en oeuvre, le dispositif est revu dans le sens d’une restriction pour le droit des patients.

L’article 70 vient en effet réduire le champ d’application du mécanisme d’indemnisation des l’aléa thérapeutique en complétant l'article L1142-3-1:

« I. – La section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complétée par un article L. 1142-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1142-3-1. – I. – Le dispositif de réparation des préjudices subis par les patients au titre de la solidarité nationale mentionné au II de l’article L. 1142-1, à l’article L. 1142-1-1 et à l’article L. 1142-15 n’est pas applicable aux demandes d’indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi.

« II. – Toutefois, le recours aux commissions mentionnées à l’article L. 1142-5 exerçant dans le cadre de leur mission de conciliation reste ouvert aux patients ayant subi des dommages résultant des actes mentionnés au I. »
II. – Le présent article s’applique aux demandes d’indemnisation postérieures au 31 décembre 2014. »

 lorsque l'indu résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l'action en restitution des cotisations en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision ; que, dès lors, il n'apparaît pas que la disposition législative critiquée méconnaisse le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit de propriété, le principe d'égalité devant la loi ou de sécurité juridique dont découlent les exigences d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; que la question posée ne présente donc pas un caractère sérieux au regard des exigences qui s'attachent aux dispositions, règles et principes de valeur constitutionnelle invoqués
Aussi, il faudra, désormais, démontrer que l’acte médical non fautif remplit les critères de gravité fixés par le législateur, mais également, le cas échéant, prouver que l’acte médical avait une visée thérapeutique.

Seront ainsi exclus de toute indemnisation au titre de la solidarité nationale en cas d’aléa thérapeutique, les patients ayant eu recours à la chirurgie esthétique non réparatrice, mais aussi les patients victimes d’un accident médical à la suite de la prise de produits pour une interruption volontaire de grossesse, les patients qui pourraient décéder ou être mutilés lors d’une intervention de circoncision rituelle lorsqu’aucune faute ne peut être prouvée.


vendredi 12 décembre 2014

Indépendance de l'exercice de la profession médicale : un diagnostic rassurant effectué par un médecin ne peut permettre d'exonérer son successeur de sa responsabilité

Arrêt de la 2ème chambre civile en date du 30 avril 2014, pourvoi n°13-14.288

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : 
Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt attaqué (Riom, 16 janvier 2013), de rejeter ses demandes en dommages intérêts à l’encontrede M. Y..., médecin, que son épouse Brigitte X... avait consulté en 2002, afin d’obtenir un deuxième avis, à la suite d’une suspicion de tumeur de l’utérus (léomyosarcome), avancée par un confrère, dont celle ci est décédée en 2009, alors, selon le moyen, que le professionnel de santé engage sa responsabilité contractuelle pour les conséquences dommageables des actes de prévention, de diagnostic ou de soins qui n’ont pas été accomplis selon les données acquises de la science ; qu’en l’espèce, il est acquis aux débats que le diagnostic de sarcome utérin avait été posé dès 2002 par M. Z..., qui avait recommandé une hystérectomie ; que cette opération a été retardée par la patiente jusqu’en 2004 au vu du diagnostic erroné moins sévère posé par M. Y... au vu de résultats différents de l’anatomopathologie ; qu’en retenant, pour décider que ce dernier n’avait pas commis de faute à l’origine du retard de traitement de Brigitte X... qu’il n’avait pas manqué de prudence et de diligence en ne privilégiant pas le prélèvement qui donnait le diagnostic le plus sévère, la cour d’appel a violé l’article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
Mais attendu qu’un médecin, tenu, par l’article R. 4127 5 du code de la santé publique, d’exercer sa profession en toute indépendance, ne saurait être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, mais doit apprécier, personnellement et sous sa responsabilité, le résultat des examens et investigations pratiqués et, le cas échéant, en faire pratiquer de nouveaux conformément aux données acquises de la science ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que la seconde branche du moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Faute de la victime et responsabilité pénale

A propos de Cass Crim, 11 mars 2014, pourvoi  n°12.86-796, F+B+R+I

Un employeur était poursuivi pour homicide involontaire à la suite de la mort de l'un de ses salariés, décédé après le versement d’un tracteur sur lequel il avait pris place, et qui était conduit par un autre salarié, également poursuivi.
En cause d'appel la Cour avait estimé que l’employeur n’avait pas respecté son obligation d’assurer la sécurité du salarié, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour faire comprendre à la victime, qui ne parlait pas français, les mesures de prudence à adopter lors de l’utilisation du tracteur.
Selon la Cour d'Appel de Bourges dans son arrêt du 20 septembre 2012, ces faits étaient bien constitutifs d'une "violation délibérée" telle qu'exigée par les dispositions de l’article 121-3 du code pénal ». (pour mémoire, l'article 121-3 du code pénal est ainsi rédigé : "Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.
Il n'y a point de contravention en cas de force majeure.")
Par un arrêt en date du 11 mars 2014, la Cour de Cassation a validé le raisonnement tenu par la Cour d'Appel de Bourges.
Pour se déterminer ainsi, la chambre criminelle, a retenu qu’il résultait des motifs de la cour d’appel que le prévenu avait commis une faute caractérisée au sens de l’article 121-3 du code pénal.
Ce faisant, la chambre criminelle a qualifié la faute commise par l’employeur, ce qu’avait omis de faire la cour d’appel. En  effet, en se contentant d’affirmer que le prévenu avait commis « la violation délibérée exigée par les dispositions de l’article 121-3 », la Cour d'Appel semblait se référer à la « violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » exigée par le code pénal.
Pour autant, et c'est ce que n'avait pas fait la Cour d'Appel, il est alors impératif d’identifier le texte législatif ou réglementaire qui aurait été violé, ce qu'elle n'avait pu faire, en l’absence de texte auquel se reporter.
La Cour d'Appel s'est, ainsi, contentée de la mise en évidence d'une faute caractérisée, c'est à dire une faute exposant autrui à un danger d’une particulière gravité, que l’auteur ne pouvait ignorer. La jurisprudence retient assez largement la faute caractérisée s’agissant du manquement de l’employeur à son obligation d’assurer la sécurité de ses salariés, aussi bien lorsque les consignes de sécurité particulièrement importantes pour leur intégrité ne sont pas clairement communiquées (Cass Crim. 14 févr. 2012, n° 11-83.291) que lorsque l’employeur ne veille pas suffisamment au respect de ces consignes de sécurité (Cass Crim. 13 nov. 2012, n° 11-88.928).
Mais cet arrêt est aussi intéressant en ce qu’il est une illustration des conséquences de la faute de la victime sur la responsabilité pénale.
La faute de la victime n’a aucune incidence sur la responsabilité pénale de l’auteur des faits, quelle que soit la faute qui lui est reprochée (Cass Crim. 22 févr. 1995, Bull. crim. n° 82), à moins qu'elle ne soit la cause exclusive du dommage (Cass Crim. 11 mai 1982, Bull. crim. n° 118 ; Cass Crim, 19 févr. 2013, n° 12-81.108). 
En l'espèce, il était reproché à la victime de n'avoir pas respecté les consignes de sécurité qui lui avaient été prodiguées, aussi bien par l’employeur que par ses collègues. La victime a ainsi contribué à son propre dommage, en se plaçant dans une situation dangereuse. Pour autant, il reste que le lien de causalité entre le fait reproché à l’employeur et le dommage demeure, et le manquement de l’employeur dans la surveillance du respect des règles de sécurité par ses salariés a bien un lien de causalité certain avec le dommage, le comportement de la victime n’en étant pas la cause exclusive.
La Cour de Cassation s’est également prononcée sur le pourvoi formé par les parties civiles relatif au montant de la réparation qui leur était accordée. La cour d’appel l’avait réduit de moitié, en considérant que la faute commise par la victime exonérait partiellement les prévenus de leur responsabilité civile. La faute de la victime permet en effet d’exonérer partiellement l’auteur des faits de sa responsabilité civile (Cass Civ. 2e, 19 févr. 2004, Bull. civ. II, n° 75 ; Cass Civ 2e, 22 oct. 2009, n° 08-20.166), qu’elle soit volontaire ou involontaire.
Mais la chambre criminelle a cassé ces dispositions de l’arrêt d’appel, en affirmant que les juges auraient dû « faire application d’office à un accident de la circulation de la loi d’ordre public [n° 85-677] du 5 juillet 1985 », loi selon laquelle « la victime non conductrice d’un accident de la circulation ne peut être reconnue partiellement responsable de son propre dommage ». En effet, la réparation du dommage causé par un accident de la circulation est soumise à la loi du 5 juillet 1985, et en l’espèce, l'accident a été provoqué lors de la conduite d’un tracteur dans un champ. Si ce régime spécial s’applique évidemment aux accidents causés par un véhicule terrestre à moteur sur une voie ouverte à la circulation, elle s’applique également aux véhicules terrestres à moteur, circulant en dehors de ces voies, comme en l’espèce sur un champ (Civ. 2e, 10 mai 1991, n° 90-11.377), dès lors qu’ils sont en mouvement (Civ. 2e, 19 févr. 1997, n° 95.14-279). 
Dès lors, et du fait de l'applicabilité de la loi du 5 juillet 1985, il devait être fait application de son article 3 au terme duquel il ne peut être opposé aux victimes non conductrices leur propre faute, sauf s’il s’agit d’une faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident, ou encore lorsqu’elle a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi.
Ainsi, la cour d’appel ne pouvait ainsi réduire l’indemnisation versée à la victime sans rechercher l’existence d’une faute inexcusable de celle-ci et l’absence de toute autre faute ayant contribué à la réalisation du dommage.

Responsabilité des produits défectueux : les co-responsables le sont solidairement : pas de demande de garantie intégrale à l'encontre de l'un d'entre eux

Arrêt en date du 26 novembre 2014, pourvoi n°13.18-819


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : 


Donne acte à la société Ceramtec de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre Mme X..., l'établissement Groupe Hopale et la CPAM de l'Artois ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 14 janvier 2003, Mme X... a subi l'implantation d'une prothèse de hanche réalisée par la société Wright Medical France, dont la tête en céramique, fabriquée par la société Ceramtec, s'est brisée le 24 octobre suivant ; qu'assignée en responsabilité par Mme X..., la société Wright Medical France a appelé la société Ceramtec en garantie ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société Ceramtec fait grief à l'arrêt de juger qu'elle est tenue de garantir entièrement la société Wright Medical France des condamnations prononcées solidairement contre elles, alors, selon le moyen, que si le producteur de la partie composante du produit est admis à s'exonérer de sa responsabilité dans les conditions de l'article 1386-11 du code civil, aucune disposition légale n'offre une telle possibilité au producteur du produit fini, qui ne peut donc échapper à sa responsabilité solidaire avec le producteur de la partie composante, alors que celle-ci a été établie à l'égard de la victime ; qu'ainsi, une fois démontré le caractère défectueux du produit fini pris dans sa globalité, le producteur de celui-ci ne peut plus prouver, même dans ses rapports avec le producteur de la partie composante, que le défaut s'attacherait en réalité exclusivement à la partie composante, à laquelle seule le dommage serait imputable ; que le producteur du produit fini ne peut par conséquent prétendre, dans le cadre de son droit au recours contre le producteur de la partie composante, échapper à sa responsabilité de plein droit en invoquant une responsabilité exclusive de ce dernier ; qu'en décidant cependant en l'espèce que la société Wright Medical France était recevable à démontrer que la partie composante fabriquée par la société Ceramtec aurait eu un rôle exclusif dans la réalisation du dommage afin d'échapper à sa responsabilité de plein droit, la cour d'appel a violé l'article 1386-11 du code civil, ensemble l'article 7 de la directive CE 85/374 du 25 juillet 1985 ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 1386-8 du code civil, qui transpose en droit interne l'article 5 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, en cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables ; que, selon l'article 5 précité, la solidarité dont est assortie la responsabilité de plusieurs personnes dans la survenance d'un même dommage est sans préjudice des dispositions du droit national relatives au droit de recours ; qu'il résulte de la combinaison de ces règles que le producteur du produit fini et celui de la partie composante sont solidairement responsables à l'égard de la victime, mais que, dans leurs rapports entre eux, la détermination de leur contribution respective à la dette ne relève pas du champ d'application de la directive et, notamment, des dispositions de l'article 1386-11 du code civil, qui transpose en droit interne l'article 7 de la même directive ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 5 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, ensemble l'article 1386-8 du code civil ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, lorsque plusieurs personnes sont responsables du même dommage, leur responsabilité est solidaire, sans préjudice des dispositions du droit national relatives au droit de recours ; qu'en droit interne, la contribution à la dette, en l'absence de faute, se répartit à parts égales entre les coobligés ;

Attendu que, pour décider que la société Ceramtec était tenue de garantir entièrement la société Wright Medical France des condamnations prononcées solidairement contre elles, l'arrêt retient que la cause exclusive du dommage est la rupture inexpliquée de la tête fémorale en céramique de la prothèse, sous-composant fabriqué par la société Ceramtec ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Ceramtec est tenue de garantir entièrement la société Wright Medical France des condamnations prononcées solidairement contre elles, l'arrêt rendu le 14 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Wright Medical France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Ceramtec GMBH.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit que dans leurs rapports, les sociétés WRIGHT MEDICAL FRANCE et CERAMTEC seraient tenues chacune pour moitié du montant des condamnations prononcées et statuant à nouveau, d'avoir dit que la société CERAMTEC est tenue de garantir entièrement la société WRIGHT MEDICAL FRANCE des condamnations prononcées solidairement à leur encontre au profit de Madame X... et de la CPAM de l'ARTOIS ;

AUX MOTIFS QUE « sur la garantie de la société WRIGHT MEDICAL FRANCE par la société CERAMTEC, qu'il appartient à la société WRIGHT MEDICAL FRANCE qui demande à être entièrement garantie par la société CERAMTEC de démontrer que la défectuosité de la tête fémorale que cette dernière a fabriquée a eu un rôle causal exclusif dans la réalisation du dommage ; que le compte-rendu opératoire du 23 octobre 2003 mentionne que tous les composants de la prothèse ont dû faire l'objet d'une ablation, en raison des rayures provoquées sur le col de la queue fémorale et de l'insert cotyloïdien par les fragments de céramique ; que le Docteur Y... n'a relevé aucune autre anomalie que la fragmentation de la sphère fémorale ; que l'expert n'a pas détecté d'éléments susceptibles d'expliquer la rupture de la sphère fémorale ; que la cause exclusive du dommage est donc bien la rupture inexpliquée de ce sous-composant fabriqué par la société CERAMTEC ; que cette dernière ne peut s'exonérer de sa propre responsabilité, dans ses rapports avec le producteur ayant réalisé l'incorporation du sous-composant défectueux, qu'en démontrant le vice de conception de la prothèse ou la défectuosité de l'assemblage ; qu'elle se contente d'émettre des hypothèses sur ces défauts qui seraient imputables à la société WRIGHT MEDICAL FRANCE sans en rapporter la moindre preuve ; qu'en conséquence, la société CERAMTEC sera donc tenue de garantir entièrement la société WRIGHT MEDICAL des condamnations prononcées solidairement à leur encontre du fait de la défectuosité de la prothèse » ;

ALORS QUE, D'UNE PART, si le producteur de la partie composante du produit est admis à s'exonérer de sa responsabilité dans les conditions de l'article 1386-11 du Code civil, aucune disposition légale n'offre une telle possibilité au producteur du produit fini, qui ne peut donc échapper à sa responsabilité solidaire avec le producteur de la partie composante, alors que celle-ci a été établie à l'égard de la victime ; qu'ainsi, une fois démontré le caractère défectueux du produit fini pris dans sa globalité, le producteur de celui-ci ne peut plus prouver, même dans ses rapports avec le producteur de la partie composante, que le défaut s'attacherait en réalité exclusivement à la partie composante, à laquelle seule le dommage serait imputable ; que le producteur du produit fini ne peut par conséquent prétendre, dans le cadre de son droit au recours contre le producteur de la partie composante, échapper à sa responsabilité de plein droit en invoquant une responsabilité exclusive de ce dernier ; qu'en décidant cependant en l'espèce que la société WRIGHT MEDICAL FRANCE était recevable à démontrer que la partie composante fabriquée par la société CERAMTEC aurait eu un rôle exclusif dans la réalisation du dommage afin d'échapper à sa responsabilité de plein droit, la Cour d'appel a violé l'article 1386-11 du Code civil, ensemble l'article 7 de la directive CE 85/374 du 25 juillet 1985 ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, l'article 5 de la directive CE 85/374 du 25 juillet 1985 prévoit que « si, en application de la présente directive, plusieurs personnes sont responsables du même dommage, leur responsabilité est solidaire, sans préjudice des dispositions du droit national relatives au droit de recours » ; qu'il résulte des règles de la responsabilité civile prévalant en droit national français que la contribution à la dette entre coresponsables d'un même dommage a lieu à proportion de leurs fautes respectives et qu'en l'absence de faute prouvée à la charge des responsables, la contribution se fait alors à parts égales entre eux ; que la responsabilité du fait des produits défectueux constitue un régime de responsabilité sans faute, subordonné à la seule preuve d'un défaut du produit, d'un dommage et d'un lien de causalité entre les deux ; qu'en conséquence, dans le cas où le producteur du produit fini et celui d'une partie composante engagent solidairement leur responsabilité à l'égard de la victime à raison du défaut affectant globalement le produit, leur contribution à la dette doit s'opérer par parts égales, aucune faute n'étant établie à la charge de l'un d'eux ; qu'en décidant cependant en l'espèce que la société WRIGHT MEDICAL FRANCE était recevable à démontrer que la partie composante fabriquée par la société CERAMTEC aurait eu un rôle exclusif dans la réalisation du dommage afin d'échapper à sa responsabilité de plein droit, la Cour d'appel a violé les articles 1386-8 et 1386-9 du Code civil, ensemble l'article 5 de la directive CE 83/374 du 25 juillet 1985 ;

ALORS QU'EN OUTRE, subsidiairement, la contribution à la dette entre coresponsables d'un même dommage ne peut en tout état de cause se faire de façon inégale qu'en cas de faute prouvée à la charge de l'un d'eux ; qu'en décidant en l'espèce que la société CERAMTEC devait être tenue de garantir entièrement la société WRIGHT MEDICAL FRANCE des condamnations prononcées solidairement à leur encontre, sans constater l'existence d'une faute prouvée à la charge de la société exposante, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1386-8 et 1386-9 du Code civil, ensemble l'article 5 de la directive CE 83/374 du 25 juillet 1985 ;

ALORS QU'ENFIN, subsidiairement, l'action du producteur du produit fini contre celui de la partie composante tendant à faire peser sur ce dernier l'entière contribution à la dette suppose en tout état de cause qu'il démontre à tout le moins que le dommage subi par la victime est imputable au seul défaut de la partie composante ; que cette imputabilité exclusive ne saurait être présumée, et en particulier déduite de la rupture inexpliquée de cette partie composante, laquelle ne permet pas d'établir le lien de causalité exclusif entre le défaut de la partie composante et le dommage ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que « l'AFSSAPS a fait connaître à l'expert que sur les 156 têtes de ce lot qui ont été implantées, aucun autre cas de rupture n'a été rapporté et l'analyse des données de production du lot n'a mis en évidence aucune non-conformité quant aux dimensions et à la matière utilisée », que « l'expert n'a pas détecté d'éléments susceptibles d'expliquer la rupture de la sphère fémorale » et que « les causes de la rupture de la tête fémorale (¿) ne sont établies ni par l'expertise, ni par la moindre pièce » ; qu'en retenant cependant, pour décider que la société CERAMTEC devait être tenue de garantir entièrement la société WRIGHT MEDICAL FRANCE des condamnations prononcées solidairement à leur encontre, que « la cause exclusive du dommage est donc bien la rupture inexpliquée de ce sous-composant fabriqué par la société CERAMTEC », la Cour d'appel, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1386-8 du Code civil.